Après avoir terminé mon Bachelor de Science Politique l’été passé, j’ai décidé de prendre une année sabbatique car, à 21 ans, je sentais que j’avais besoin de prendre le temps d’acquérir de l’expérience professionnelle, linguistique et personnelle. J’ai commencé avec un stage de 6 mois en Allemagne, puis voulu poursuivre avec El Abrazo en Argentine pour partir “un peu plus loin », élargir les limites de mes idées préconçues et accessoirement apprendre un peu d’espagnol.

J’ai entendu parler de l’association par ma sœur, Sophie, et ma cousine, Aline, qui ont effectué leur volontariat il y a respectivement 10 ans et 4 ans. Le projet, bien qu’encore vague, me plaisait et, sans trop me poser de question, je me suis lancé…
A l’heure de vous dépeindre mon expérience, je viens de sortir du pavillon 8 de l’Alcaídia (prison de Las Flores) où j’ai pris part à l’atelier d’art du mardi après-midi. Je dois vous avouer que je suis toujours en recherche de mes aptitudes artistiques. Malgré tout, je vais chaque semaine en essayant de faire de mon mieux et de discuter avec les prisonniers, tout en réapprenant les bases artistiques. Aujourd’hui, avec un petit refroidissement dû au changement de saison, j’ai dû me retrousser les manches et me motiver pour aller passer deux heures dans l’Alcaídia où l’isolation n’est pas une qualité première du lieu. Pourtant, à la fin de l’atelier, après avoir salué tous les participants avec un abrazo chaleureux, j’ai le sourire et me sens bien. Finalement, il ne faisait pas si froid dans la salle. Sûrement que l’abrazo est un remède bien plus fort que des médicaments.
Mes ressentis du jour dévoilés, ils représentent bien mon expérience de volontariat depuis mon arrivée, il y a de cela un mois. En effet, dans toutes les activités auxquelles je participe – ateliers d’art, de réflexion, de guitare, de football, dans les prisons (Alcaídia, Coronda, pavillon des jeunes de Las Flores, prison des femmes) et dans les quartiers de San Agustín et de Yapeyu – si je m’arrête au contexte de précarité, d’insécurité et d’insalubrité qui y règnent, je passerais à côté de l’essentiel. Je n’ai pas la prétention de définir l’essentiel mais ce que j’ai appris depuis le début de mon expérience est que je termine chaque activité le sourire aux lèvres. Cela, que ce soit en partageant le maté dans le pavillon 9 de Coronda, tout en en entonnant des chants dont je ne connais pas encore les paroles; en prenant part à des parties de foot dans le pavillon des jeunes ou dans les barrios; en lisant le Petit prince avec les enfants de Yapeyu; en apprenant la guitare dans la prison des femmes ou en observant la créativité qui se dégage des ateliers d’art…
Avec le sourire, mais aussi avec un sentiment de culpabilité, car j’ai l’impression de recevoir beaucoup plus que je ne donne, à l’image d’un invité plutôt que d’un volontaire. Un exemple flagrant s’est passé dans le pavillon 9 de Coronda: un des prisonniers nous demanda si nous avions faim, et moi en pensant qu’il voulait sortir des biscuits pour tout le monde, je réponds oui… 5 minutes plus tard, il sort de sa cellule avec un plat de pâtes et du poulet. Il était 15h et je venais de sortir de table, autant dire que je n’avais pas faim mais bon, après que mon visage ait viré au pourpre, j’ai quand même tout fini…
Finalement, il me reste encore quelques mois avant de quitter Santa Fe, ainsi, j’ai encore le temps de réfléchir à la citation du Petit Prince, mais l’essentiel est que je me suis tout simplement rendu compte que le sentiment de culpabilité n’a pas lieu d’être, car si je n’ai pas vraiment l’impression de “travailler comme volontaire”, c’est que les ateliers avec les prisonniers ou les jeunes des quartiers sont, au contraire, des rencontres avec des personnes, des enfants qui rêvent et des adolescents qui ont les mêmes préoccupations que moi….

Joël
Joël 2