Goûter à la présence de l’autre

Il y a peu de temps l’aumônier de la prison de las Flores nous invitait au cours d’une de ses homélies à vivre notre mission comme une « Pastorale de la Présence ». Cette expression m’a touchée, car je crois qu’elle résume plutôt bien mon expérience à Santa Fe. De fait je ne peux parler de ce que je vis ici sans immédiatement mentionner cette multitude de « présences-présents », ces rencontres qui sont de véritables cadeaux illuminant ma vie quotidienne. Des rencontres qui me convertissent. Je me permets de vous partager  deux d’entre elles.

Pepe, le chercheur de sens

Pepe. C’est ainsi que nous surnommons ce frère privé de liberté de la prison de las Flores que j’ai la joie de croiser deux fois par semaine. S’il devait se décrire lui-même, cet homme d’une cinquantaine d’années se présenterait sans doute comme un « vieil emmerdeur » ou un « Homme de peu de foi qui ne croit que ce qu’il voit ». Lorsque nous discutons avec lui, il n’hésite pas à nous pousser dans nos retranchements, à nous poser mille questions, à nous contredire dès qu’il peut…Cependant, tout ce questionnement, loin de le décrédibiliser, m’émerveille. Je trouve en lui un homme en recherche, un homme franc, un homme qui désire trouver la clef du pardon -si essentielle pour un détenu- un homme plein d’attention et toujours prêt à dynamiser une ambiance. Par ailleurs, dans l’atelier théâtre que j’anime et auquel il participe, Pepe est un véritable clown qui nous fait beaucoup rire. Un grand homme.

Voici quelques phrases de lui qui m’ont marquée :

  • « Quand quelqu’un te demande « quelle heure est-il ? », tu lui réponds, « l’heure de garder les yeux ouverts !» »
  • « il ne faut pas réclamer, il faut apprendre à rendre grâce, à remercier »
  • « Raconte-moi les belles choses que tu as vécu cette semaine, il faut parler des belles choses »

Les chicos de Villa Hippodromo, cultiver l’espérance au milieu de la violence

Villa Hippodromo est l’un des quartiers les plus violents de Santa Fe. Le contact n’y est pas évident, car rien ne se passe jamais comme on le prévoit lorsque nous allons là-bas. Récemment une véritable guerre a explosé dans le quartier suite à la mort d’un jeune, tué par un autre. Deux enfants que nous connaissions. D’un côté des véritables cris d’angoisse et d’incompréhension me serrent la gorge face à ces enfances violentes et violentées. C’est l’inévitable question du  « Pourquoi ?». De l’autre, j’apprends à remettre ces situations au pied de la Croix. Jésus était innocent et il s’est laissé crucifier. Je dépose entre ses mains ces enfants qui grandissent dans la souffrance et la violence sans l’avoir choisi.

Par ailleurs, j’apprends avec ces enfants à cultiver l’espérance. La mienne et la leur. Auprès d’eux j’apprends à ne pas vouloir changer l’autre, mais à l’aimer, à me laisser convertir plutôt qu’à donner des leçons.

Je découvre également qu’il n’y a pas de petites réussites, que la plus petite des avancées est à toujours un immense pas dont il faut se réjouir. En fin d’année dernière nous avons ainsi monté une crèche vivante avec eux. La préparation a été une succession de tant de contretemps que le découragement nous guettait. Cependant, quelle ne fut pas notre joie de trouver le jour J les enfants tous excités, et enthousiastes! Quasiment tous ont participé à la représentation, arborant fièrement leur costume et jouant leur rôle avec le plus grand sérieux du monde. Je crois que la plus belle des récompenses fut de contempler leurs visages rayonnants de fierté face à leurs familles venues les voir. Je pense à Lucia en particulier, une petite au regard si dur habituellement, qui était si lumineuse en jouant l’Ange Gabriel et qui était si heureuse lorsqu’à la fin nous l’avons félicitée d’avoir monté toutes les chorégraphies de la pièce !

La goutte d’eau dans l’océan mérite toute sa place.

Floriane