Puisque Rachel et Elisabeth Maillard sont de retour en Suisse depuis la fin de l’année passée, voici leur témoignage:
Peux-tu, en quelques mots, te présenter ?

Rachel: Je m’appelle Rachel Maillard, je viens du Valais , j’ai 24 ans et je travaille en tant qu’ assistante socio-éducative dans une Unité d’accueil pour écoliers de la ville de Sion.

Elisabeth; Je m’appelle Elisabeth, j’ai 20 ans, j’ai obtenu ma maturité gymnasiale en juin 2015, je me suis accordée une année sabbatique afin de me permettre de chercher ma vocation professionnelle et  je suis la sœur de Rachel.

 

 

Pourquoi as-tu décidé de faire une expérience de volontariat en Argentine ?

Rachel: J’avais dans la tête depuis quelques temps d’effectuer un volontariat dans un pays étranger et l’Amérique du Sud m’a toujours énormément attirée. C’est par des amis que j’ai entendu parler d’El Abrazo et le fait que cette association propose entre autres un volontariat un peu différent avec des visites d’établissements pénitentiaires m’a tout de suite interpelée.

Elisabeth: Pour ma part c’est suite à une discussion avec Rachel que l’envie m’est venue de faire un volontariat. De plus, mon travail de maturité portant sur le fait que l’on pouvait, chacun à sa manière, à son échelle et sans prétentions tenter d’améliorer ne serait-ce qu’un peu le monde dans lequel nous vivons, faire cette expérience m’a paru être un bon moyen de mettre en pratique cette idée.

Quelles activités réalises-tu ?

 Rachel: Les activités proposées sont vraiment variées, je me rend plusieurs fois par semaine dans un lieu (La casa Juan Diego) qui accueil des jeunes en situation de rue, de difficultés familiales etc… Je vais aussi visiter divers établissement pénitentiaires (prison, commissariats, centre de détention juvénile.). Certains jours, je vais donner des coups de mains dans les quartiers en dehors de la ville, des quartiers qui sont plus touchés par la pauvreté et où sont proposés pour les enfants divers ateliers de musique, littérature, de travaux manuels, d’informatique et autres.

Elisabeth: Oui, les possibilités d’activités sont nombreuses. Et dans les prisons aussi. Parfois nous venons simplement pour parler, écouter, échanger mais parfois nous venons partager d’une autre manière au travers de l’art ou de la musique. Il y a (malheureusement) toujours de quoi faire.

 

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Qu’est-ce qui t’a le plus surpris durant ton expérience ?

Rachel: Au début évidemment le choc de culture, la pauvreté dans certains endroits, le niveau de vie très différent. Puis finalement on passe au-dessus de tout cela et on découvre la générosité, la simplicité et l’entraide dont les Argentins (du moins ceux que j’ai eu la chance de rencontrer) font preuve. J’ai également été extrêmement touchée par l’accueil très chaleureux que j’ai pu recevoir dans tous les lieux où je me suis rendue durant toute mon expérience ici.  J’ai l’impression qu’ici on apprécie plus ce que l’on a, que l’on connaît mieux la valeur des choses et des sentiments, qu’on ne passe pas notre temps à vouloir toujours plus de choses et on profite mieux de ce qui nous est donné sans systématiquement tout remettre en cause. J’ai rencontré ici des personnes avec des passés souvent douloureux, des histoires difficilement surmontables mais qui malgré tout gardent un goût à la vie, une foi et une énorme envie de bouleverser le destin.

Elisabeth: Probablement la gentillesse des prisonniers. Non pas que j’aie cru qu’ils étaient mauvais, menaçant ou que sais-je mais jamais je n’aurais imaginé ce respect qu’ils ont envers nous, tout ce qu’ils nous offrent que ce soit spirituellement ou matériellement alors qu’ils n’ont presque rien, la relativisation dont ils font preuves sur leurs conditions de vie. Une autre chose surprenante pour moi fut la générosité qu’ont les argentins entre eux. En effet, il y a une énorme différence entre la plupart des européens qui n’accordent même pas un regard au mendiant et les argentins qui pourtant ont bien moins d’argent mais qui continuent à donner aux plus nécessiteux. Mis à part cela, il est vrai que nous devons aussi nous adapter à quelques us et coutumes du pays quelque peu surprenants. (Circulation, maté, surprises de la vie en communauté, …)

 

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Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton travail avec les prisonniers ?

Rachel: Le partage!! C’est réellement un partage qui va dans les deux sens, j’ai parfois plus appris de certaines personnes en prison que de beaucoup d’autres personnes que j’ai croisé dans ma vie. Je me rappelle la première fois que je suis rentrée dans une prison, je n’avais pas spécialement peur mais paradoxalement, je me demandais comment ils allaient me percevoir et si eux m’accepteraient…mais tout de suite je me suis sentie à l’aise, les prisonniers ont toujours été très respectueux, très accueillants. J’ai partagé des instants incroyables avec eux, des moments de rires (nombreux) mais aussi plusieurs moments d’émotions et des discussions qui m’ont appelées à beaucoup réfléchir. J’y ai même fêté mon anniversaire, un souvenir qui restera pour toujours gravé dans ma tête.

Elisabeth: Pour moi c’est la rencontre (ce qui rejoint un peu la réponse de Rachel plus haut). Il y a réellement des personnes que nous rencontrons en prisons qui sont incroyables, qui nous touchent. Certains par leur sourire, d’autres par leurs problèmes, d’autres encore par leurs réflexions mais quelle qu’en soit la cause, ces personnes vous apportent énormément et c’est cela qui me plaît dans ce « travail ». Avec le peu qu’ils ont, leurs problèmes, leurs malheurs, ils arrivent encore à être heureux et à rendre grâce à Dieu pour cela. Nous, nous leur apportons un peu de temps, eux ils nous apprennent la vie.

 

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Et avec les enfants ?

 Rachel: Leur énergie, leurs sourires, leurs câlins. Ce qui me plaît chez eux, c’est que même si leur situation de vie est souvent très compliquée, ils gardent la joie de vivre, ils ne se plaignent pas. Les activités proposées pour eux sont généralement le soir après l’école, ou le samedi matin, et au lieu de simplement rester chez eux ils viennent avec une grande envie d’apprendre, la musique, l’écriture et tant d’autres choses. J’ai reçu d’eux le plus beau des cadeaux : leur confiance, leur affection et leur reconnaissance.

Elisabeth: Avec les enfants c’est différent, je crois que ce qui me plaît le plus c’est de voir qu’il y a cette entraide qui se fait entre voisins, qu’il y a certaines personnes qui ouvrent leurs portes pour permettre aux enfants de passer moins de temps dans la rue et à la place boire un lait, manger un biscuit, faire un bricolage, de la musique, du sport pour qu’ils puissent durant quelques heures penser à d’autres choses, sourire.

 

Est-ce que cette expérience va changer quelque chose dans ta vie ?

 Rachel: Evidemment, vivre une expérience telle que celle-ci laisse forcément des traces et remet beaucoup de choses en questions. Malheureusement je serais bien incapable de poser des mots dessus et de décrire concrètement ce qui va changer dans ma vie. Je pense qu’ici j’ai tout simplement ouvert un peu plus mes yeux et mon cœur.

Elisabeth: Je crois que chaque discussion, chaque personne rencontrée, chaque expérience nous changent et nous forment. Elles nous permettent de nous construire. Je ne pense pas pour autant que ce seront des changements « du tout au tout » qui vont se faire mais sûrement des modifications dans ma manière de penser ou dans ma relation à l’autre. Des changements dus à des personnes rencontrées que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison et dont les mots et les actes vont m’aider à avancer.

 

Veux-tu ajouter quelque chose ?

Rachel et Elisabeth : Oui, nous aimerions dire merci pour cette expérience et merci du fond du cœur à tous ceux qui œuvrent pour le bon fonctionnement de la pastorale et de l’association.

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