En quoi consiste l’atelier d’expression artistique que tu animes ?

Tous les jeudis, nous proposons une technique, un thème ou un exercice et les participants sont libres de suivre la proposition ou de réaliser un autre projet. La règle principale est le respect de soi et des autres. C’est un espace créatif ou la liberté de chacun nous parait essentielle. Nous respectons autant que possible le processus de chaque participant, ses envies et ses besoins. Cette année, nous avons abordé le collage, l’argile, le dessin, le frottage, le monotype, la peinture (sous différentes formes), la sculpture en papier, etc. L’atelier est avant tout un espace agréable de partage et de bonne humeur. L’idée est que chaque participant puisse y rencontrer un espace de liberté.

Pourquoi faire de l’art en prison ?

Pour moi, l’art c’est la vie. La création est une énergie vitale, c’est un mouvement qui nous pousse vers l’avant. C’est le moyen de pouvoir digérer une réalité parfois trop dure à supporter. Quand les mots manquent à l’appel, que l’on ne sait comment décrire ce que l’on ressent, l’art devient un formidable moyen de communication. L’art sous toutes ses formes permet la rencontre avec soi-même et avec les autres. C’est aussi un exutoire, une manière de donner corps à la douleur, la tristesse, l’angoisse, à la joie, etc. En prison, l’art permet une renaissance dans ce lieu où tout est barreaux, enfermement, ordres…

Quels ont été les principaux défis de cet atelier ?

La majorité a appris à copier et pour eux, dessiner ou peindre se fait forcément à partir d’un modèle. Leur estime de soi est souvent très base et c’est leur manière d’obtenir un peu de sécurité, étant convaincus qu’ils ne savent pas dessiner et qu’ils n’ont pas d’imagination. Le défi est donc qu’ils puissent peu a peu prendre confiance en eux et découvrir leurs possibilités. Tout le monde est créatif, il faut juste trouver le moyen de réveiller cette créativité endormie, de l’alimenter, lui permettre d’ouvrir ses ailes et de s’envoler. Un autre défi est que les participants puissent s’approprier de plus en plus l’atelier en faisant des propositions et en exposant leurs envies, leurs projets. Dans une ambiance ou le mot d’ordre est l’obéissance, l’esprit d’initiative est lui aussi mis à mal.

Qu’est-ce que l’art peut apporter aux prisonniers ?

Je crois que l’art permet de travailler la confiance en soi, de renouveler cette énergie vitale qui fait qu’on se lève le matin et qu’on continue à aller de l’avant. Pour moi, l’art c’est un peu comme une béquille sur laquelle je m’appuie pour pouvoir avancer. C’est un peu cette béquille que j’ai envie de transmettre aux prisonniers, cet appui pour pouvoir continuer, encore et encore.

Qu’est-ce qui t’a le plus interpellée durant cette expérience ?

Je crois que ce qu’il m’interpelle le plus c’est de voir a quel point l’être humain est en train de perdre la capacité de rêver, d’imaginer… Je crois que le rêve est un moteur important dans la vie. Je me sens un peu comme une exploratrice à la recherche de ces rêves enfouis, oubliés. Je le vois comme un défi, pouvoir rendre aux gens cette capacité de s’émerveiller, de rêver, d’espérer.

Veux-tu ajouter quelque chose ?

Dans cet atelier, on apprend tous ensemble. Moi, j’accompagne et je crois que c’est un privilège. C’est fort de voir que la vie pousse et grandit au milieu du béton et des barreaux, qu’elle envahit, qu’elle est contagieuse. C’est une école de vie. Merci de m’avoir donner cette possibilité. J’espère pouvoir continuer l’année prochaine avec encore plus d’énergie. Chasseuse de rêves, quel beau métier !